jeudi 19 mai 2011

Mahler : quels coffrets choisir ?

Alors que les festivités battent leur plein en hommage à Mahler, mort il y a tout juste un siècle (le 18 mai 1911), beaucoup de mélomanes, néophytes ou confirmés, peuvent avoir l'idée de compléter leur discothèque mahlérienne. C'est l'occasion d'un point discographique, afin de compléter l'intégrale idéale déjà proposée il y a quelques semaines (les prix ont parfois évolué mais les indications discographiques pour chaque symphonie restent valables).

Pour chacun des plans sélectionnés, le lien proposé correspond au meilleur prix trouvé sur internet. N'hésitez pas à signaler un prix plus bas si vous en trouvez !

  • Le meilleur plan

Mahler : 10 symphonies, Lieder avec orchestre (DG, 12 CD)
Solistes, Philharmonia Orchestra, Staatskapelle de Dresde
Giuseppe Sinopoli


Ce coffret regroupe non seulement les symphonies, mais plus encore l'intégralité des enregistrements mahlériens du chef italien, qui ont depuis quelques temps la cote auprès des critiques, après avoir été un peu injustement oubliés. En effet, on y trouve de véritables références pour les symphonies n° 7 à 10 (Adagio uniquement). Le reste de ces enregistrements, presque tous effectués avec le Philharmonia Orchestra (toujours chez lui dans Mahler) est également très bien servi, et les petites imperfections orchestrales recensées ça ou là (dans la Résurrection par exemple) n'enlèvent absolument rien à la force de ces lectures, qui réussissent à allier clarté analytique et dramatisme poussé à l'extrême. Non seulement le coffret le moins cher, mais l'un des meilleurs !


  • Le meilleur rapport prix/CD

Mahler : Symphonies n° 1, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10 (Sony, 10 CD)
Solistes, London Symphony Orchestra, Philadelphia Orchestra, Chicago Symphony Orchestra
James Levine


1,16 € par CD : jusque là, je n'ai pas trouvé mieux. Aucune raison, donc, de ce priver de ce coffret qui regroupe les enregistrements mahlériens du chef américain. Certes, ceci n'est pas une intégrale, et il manque étrangement les deux symphonies les plus lyriques de Mahler, dans lesquelles on aurait attendu Levine de pied ferme : la 2e et surtout la 8e. Certes aussi, la lecture de Levine n'est pas toujours très nuancée et privilégie les effets de masse et la dramatisation presque à outrance. Mais c'est bien ce qu'on attend d'un chef habitué aux fosses des opéras, comme l'était Mahler lui-même...


  • L'incontournable

Mahler : Symphonies n° 1 à 10 (DG, 11 CD)
Solistes, Concertgebouw d'Amsterdam, Wiener Philharmoniker, New York Philharmonic
Leonard Bernstein


Bernstein fut l'artisan infatigable de la renaissance mahlérienne, auteur du fameux plaidoyer « Son heure est venue » (« His Time Has Come ») et à qui l'on doit deux formidables intégrales. Les mélomanes se partagent en deux camps presque égaux, les premiers en faveur de l'intégrale new yorkaise (Sony/Columbia) que l'on trouve toujours pour environ 35 € (et souvent moins), les seconds pour l'intégrale plus tardive chez Deutsche Grammophon. L'avantage de cette dernière est une meilleure qualité d'enregistrement, une qualité orchestrale généralement supérieure (mais le résultat n'est pas forcément meilleur pour chaque symphonie). Et, actuellement, son prix, 30 € environ pour un tel monument !

Seul petit souci : les très beaux enregistrements des cycles de Lieder effectués à la même époque ne sont pas repris dans ce coffret. Pour ceux qui les recherchent aussi, voici deux solutions. D'abord, un précédent coffret (Symphonies + Lieder), quasiment épuisé, est proposé à 80 € environ sur Amazon.co.uk (à peu près le prix auquel on le trouvait en France). Sinon, trois petits coffrets sont aussi disponibles, regroupant ces mêmes enregistrements dans l'ordre chronologique de composition. Ils vous reviendront environ à un total 60 € en les achetant sur Marketplace : Volume 1 ; Volume 2 ; Volume 3.


  • Le plus complet

Mahler : Les œuvres complètes (EMI, 17 CD)
Solistes, orchestres et chefs divers


Vous n'avez pas un seul disque de Mahler, ou presque ? Ce coffret est fait pour vous : vous y trouverez les symphonies, les Lieder, et même les œuvres de jeunesse (Klagende Lied, les premiers Lieder, le mouvement de quatuor avec piano). Les enregistrements tous issus du catalogue EMI sont un panaché des meilleurs interprètes mahlériens de la maison de disque anglaise : si la sélection est parfois contestable, on y trouve néanmoins quelques sommets incontestés, par exemple dans la 2e symphonie (Klemperer), dans la 6e (Barbirolli), dans la 10e (Rattle-Berlin), et dans la plupart des lieder (Dietrich Fischer-Dieskau, Janet Baker).

À noter que Deutsche Grammophon propose le même concept pour une cinquantaine d'euros. C'est plus cher, pour des interprétations également excellentes (mais pas forcément meilleures). Par ailleurs, si vous aimez les intégrales, vous aurez plus rapidement des doublons avec le coffret DG, EMI ayant plus souvent pioché dans des versions isolées. Enfin, Brilliant Classics propose aussi un coffret panaché pour un peu plus de trente euros, mais on ne l'achètera pour ainsi dire que pour la fameuse 3e de Jascha Horenstein et les symphonies n° 5 et 9 par Vaclav Neumann avec le Gewandhaus de Leipzig : cela peut donc valoir la peine de chercher les versions isolées.


  • Les historiques


Si vous souhaitez étoffer votre connaissance des œuvres de Mahler, et que vous n'avez pas peur des vieux enregistrements, deux coffret Membran/Documents (10 CD) regroupent les enregistrements historiques les plus célèbres de Mahler, tombés dans le domaine public, et sont accessibles pour une dizaine d'euros. On trouve dans le premier (entre autres) les Kindertotenlieder de Kathleen Ferrier et Bruno Walter, la 4e de Mengelberg, et la 9e mythique de Bruno Walter à Vienne en 1938.

Le second coffret, lui, comprend une « Titan » de Kubelik, la 2e de Klemperer en concert à Amsterdam en 1951 (avec Jo Vincent et Kathleen Ferrier), la 3e de Boult avec Ferrier, la sublime 4e de Reiner avec Lisa della Casa, les 7e et 9e de Rosbaud, et l'enregistrement incontournable du Lied von der Erde par Walter, à Vienne, avec Ferrier et Patzak.

En revanche, soyez prévenus que certains enregistrements se retrouvent sur les deux coffrets (la 5e de Walter avec le New York Philharmonic, la 8e de Stokowski et l'Adagio de la 10e par Scherchen, soit environ 2 CD de doublons). À noter enfin que la qualité sonore de ces enregistrements est naturellement parfois celle d'archives très anciennes, mais contrairement à d'autres coffrets de ce label, il n'est la plupart du temps ni excessivement filtré, ni parcouru du désagréable crépitement d'un 78 tours dégradé. Encore mieux, on y trouve l'un des enregistrements de la meilleure qualité imaginable pour la 4e symphonie par Reiner (Living Stereo).


  • Autres coffrets recommandés... ou à fuir !

Parmi les coffrets qui ont leur partisans, on trouve bien sûr les enregistrements de Klaus Tennstedt, qui viennent de reparaître assortis de quelques enregistrements de concert captivants (EMI, 16 CD, 34,69 €). Moins connue, l'intégrale des symphonies par Gary Bertini (EMI, 11 CD, 24,56 €) est l'une des plus cohérentes, et l'orchestre de Cologne y soutient la comparaison avec les plus grands. Vaclav Neumann avec l'orchestre philharmonique tchèque (Supraphon, 11 CD, 35,94 €) offre un ensemble appréciable mais un peu en retrait, les gravures isolées de Neumann avec le Gewandhaus, ou des Tchèques avec Ancerl, dépassant d'ailleurs nettement cet ensemble plaisant mais parfois terne. L'intégrale des symphonies (avec le Chant de la Terre) par Eliahu Inbal (Brilliant, 15 CD, 29,99 € sur JPC), moins appréciée par la critique qu'à sa sortie, conserve de grandes qualités de clarté de l'interprétation et de l'enregistrement, et offre par ailleurs un vrai confort en évitant autant que possible le découpage des symphonies sur plusieurs CD : une intégrale inégalée pour les audiophiles. Le coffret reprenant les enregistrements de Simon Rattle (EMI, 14 CD, 28,66 €) comprend quelques sommets (la 2e avec Birmingham, la 5e et la 10e avec Berlin), mais demeure trop inégale pour un premier choix.

Pour les célèbres intégrales de Bernard Haitink, Rafael Kubelik, Georg Solti, Claudio Abbado, Riccardo Chailly ou encore Michael Gielen, les prix sont très élevés et je ne peux que vous conseiller d'attendre une réédition ou une promotion, comme il en a déjà été proposé sur le blog pour certains de ces coffrets. Cette remarque est également valable pour la récente intégrale de David Zinman et celle, à paraître, de Michael Tilson Thomas. Enfin, la fabuleuse anthologie moscovite de Kirill Kondrachine (symphonies n° 1, 3 à 7, 9, Melodiya, 8 CD) est épuisée et hors de prix, même d'occasion. Quant à l'intégrale pionnière de Maurice Abravanel, elle est reparue il y a quelques jours : parfois dépassée techniquement par des cycles plus récents, elle soutient toutefois la comparaison avec le Bernstein new-yorkais ou le Haitink d'Amsterdam et a accompagné des générations de mélomanes dans leur découverte de Mahler.

Enfin, ce survol ne serait pas complet si je ne mentionnais pas les coffrets à éviter. L'intégrale des symphonies par Lorin Maazel avec le Philharmonique de Vienne (Sony, 14 CD), si elle offre quelques moments de puissance assez irrésistible (dans les 2e et 5e symphonies en particulier) n'en demeure pas moins souvent insupportable, en raison de lectures superficielles, aux effets tape-à-l'œil, aux tempi d'une lenteur inutile où pointe un ennui profond. L'intégrale Naxos (15 CD) n'atteint pas de telles horreurs, et présente même quelques enregistrements très valables (notamment grâce à la contribution d'Antoni Wit), mais l'inégalité d'une symphonie à l'autre est trop importante et il vaut mieux se tourner vers les CD isolés de ces mêmes enregistrements, le prix du coffret (une cinquantaine d'euros au moins) n'étant de toute façon absolument pas avantageux. Enfin, si elle n'est pas dénuée d'intérêt, l'intégrale d'Evguéni Svetlanov avec l'orchestre de la Fédération de Russie (Warner, 14 CD) est loin des premiers choix et ne vaut certainement pas qu'on y mettre près de 50 €.