samedi 22 juin 2013

10 joyaux à restituer (10) Mahler, 6e symphonie (Haitink, Berliner Philharmoniker, 1989)

À force d'accumuler les bons plans, on en vient à se rendre mieux compte des zones d'ombres des éditeurs de disques. Certains chefs d'œuvre du disque classique ne sont ainsi jamais que très chers, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement indisponibles. Premier épisode d'une petite série destinée à, peut-être, éveiller une réaction de l'un ou l'autre des labels concernés...


Gustav Mahler
Symphonie n° 6 & Lieder eines fahrenden Gesellen*
Jessye Norman*, Concertgebouw Amsterdam, Bernard Haitink
Enregistrement 4/1989 & 12/1989*
Label : Philips (Universal) 

Première référence épuisée dont la restitution est une urgence publique : les enregistrements berlinois de Bernard Haitink pour ce qui devait être sa seconde intégrale studio des symphonies de Mahler, et qui fut finalement stoppé par l'éditeur, pour des raisons de rentabilité (on parlait déjà de crise du disque...) alors qu'il n'y manquait plus que les symphonies n° 8 et 9, et le Lied von der Erde. Alors même que le cycle amstellodamois de Haitink, enregistré à la fin des années 1960, a par certains côtés mal vieilli et ne s'écoute plus sans précautions (même la mythique neuvième de 1969 y vacille sous les problèmes de justesse de l'orchestre et l'impression d'un déchiffrage récent), celui de Berlin devait s'imposer comme une nouvelle référence. Orchestre techniquement parfait, prise de son généreuse et précise à la fois, un soupçon de froideur numérique pour une immersion totale dans le déferlement mahlérien.


La symphonie n° 6 est probablement la plus extraordinaire de ce cycle berlinois. À l'inverse des visions déchaînées, presque outrancières (et non moins recommandables) de Bernstein ou Tennstedt, Haitink offre ici le meilleur de sa direction classiciste pour une lecture tendue, directe, sans concession ni hésitation. Tout, ici, mène en ligne droite vers le dénouement tragique. La parfaite maîtrise de l'orchestre dont le chef hollandais fait preuve permet aux berlinois de révéler les moindres aspects de la partition avec un souci du détail et une qualité de réalisation qui n'a pas d'équivalent dans la discographie (seule la superbe version de concert de Simon Rattle, deux ans auparavant avec le même orchestre, présente quelque similarité avec l'expérience ici proposée). Le Tragique ne naît pas ici d'une incandescence monumentale, mais d'un œil acéré sur une partition dont la crudité même révèle la force.

Cet enregistrement (complété sur le double CD par les Lieder eines fahrenden Gesellen par une Jessye Norman au faîte de sa carrière) fut effectué sous étiquette Philips est donc toujours dans le catalogue Universal. Il pourrait très bien être réédité par Decca, ainsi que le reste de ces enregistrements berlinois de Haitink. En attendant, ne se trouve que d'occasion et assez cher sur Amazon Marketplace. On peut toutefois se consoler en commandant une copie gravée sous licence chez Arkivmusic, ou en la téléchargeant en qualité CD sur Qobuz. Même si ce ne peut être qu'un pis-aller (lien ci-dessous)...


Mahler : Symphonie n° 6 /Lieder eines... (Haitink, Norman)
Philips:426257