jeudi 14 août 2014
Frans Brüggen (1934-2014)
Deux ans après Leonhardt, un autre des grands pionniers du répertoire baroque sur instruments anciens s'en est allé. Frans Brüggen, flûtiste et chef d'orchestre, fondateur de l'Orchestre du XVIIIe siècle, est mort. Il laisse une discographie riche et largement incontournable, mais hélas d'une disponibilité souvent assez précaire, et encore moins accessible à bas prix. Petit tour d'horizon toutefois.
La partie de son legs discographique la plus disponible reste le répertoire baroque en tant que tel. Les enregistrements Das Alte Werk naturellement, mais ceux-ci ne sont désormais guère disponibles autrement qu'en intégrale, dans un coffret Frans Brüggen en 12 CD un peu onéreux (35 € environ).
Ensuite, en tant que flûtiste, Brüggen s'est illustré notamment comme beaucoup de ses collègues sous le label Seon, dans les concertos de Vivaldi et Marcello, les sonates de Haendel, Telemann, Corelli ou encore Hotteterre. Ces enregistrements sont regroupés dans un coffret 10 CD (Sony/Vivarte) accessible à moins de 16 € sur Marketplace. Les fameux concertos brandebourgeois de Bach, enregistrés avec Leonhardt à la tête d'un ensemble regroupant toute cette génération de musiciens (les Kuijken, Dombrecht, Bylsma, van Asperen...) sont eux compris dans le coffret concertos de Bach (Sony/Vivarte, 4 CD), également très accessible. Enfin, toujours dans le catalogue Seon, Brüggen avait enregistré avec son ensemble et la basse Max van Egmond les deux cantates BWV 56 et 82 (Ich habe genug) dans une lecture inégalable d'émotion. Elle aussi est disponible dans un coffret bon marché (Sony/Vivarte, 4 CD) .
Cette partie de la discographie de Brüggen est donc assez accessible, et on la retrouvera également dans la prochaine et très attendue Collection Seon (85 CD), prévue en septembre.
L'autre partie de la discographie de Brüggen la plus accessible est la plus récente, pour le label Glossa. Celui-ci a en effet réédité à bon marché les deux CD de suites orchestrales de Rameau enregistrés à la fin des années 1990 (volume 1 ; volume 2, ainsi que l'enregistrement 2001 du concerto pour clarinette de Mozart avec Eric Hoeprich, complété par des airs avec Joyce DiDonato. Également disponible chez Glossa, mais au prix fort : l'intégrale live des symphonies de Beethoven en 2011 ; les symphonies 39 à 41 de Mozart ; la Passion selon saint Jean de Bach ; les Sept dernières paroles de Haydn ; et les symphonies Italienne et Écossaise de Mendelssohn. Des enregistrements souvent époustouflants de subtilité, de soin dans l'articulation, la gestion des dynamiques, des phrasés, mais parfois un peu dépassionnées. Si les Mozart, Haydn et Mendelssohn sont très convaincants, ainsi que les suites de Rameau dans lesquelles Brüggen excellait, la passion selon saint Jean est un peu grise et souffre de ses chanteurs, tandis que l'intégrale Beethoven est assez inégale. Le Requiem de Mozart paru en 1999 semble lui indisponible...
Pour Beethoven, il vaut mieux se tourner vers la première intégrale, originellement chez Philips, tout juste rééditée par Decca (7 CD, avec le concerto pour violon et Prometheus), mais pas forcément à bon marché. C'est malheureusement la seule partie de ce catalogue bien éditée, avec les Indes galantes de Rameau, best seller légitime. On ne peut qu'espérer la reparution des cycles Schubert (passionnant) ; Haydn (incontournable dans les symphonies sturm und drang, les parisiennes et les londoniennes, avec les enregistrements également indispensables de Pinnock, de Kuijken, de Harnoncourt et de Roy Goodman) ; ou encore dans les symphonies de Mozart jamais réééditées depuis leur sortie originelle en CDs séparés, et absolument fascinantes (28 & 36 ; 31 & 35 ; 38 & 39 ; 40 & 41). La saint Jean de Bach (1993) est une rareté à rechercher ou à attendre avec impatience ; en revanche, saint Matthieu de 1998 n'évite pas tout à fait l'écueil d'un certain ennui.
Espérons donc qu'Universal fera son travail, pour compléter les rééditions salutaires de ces dernières années. La magie de la flûte de Frans Brüggen, et la subtilité souvent époustouflante de ses lectures orchestrales, est faite pour être entendue encore très, très longtemps.