lundi 19 septembre 2011

Hommage à Kurt Sanderling (1912-2011)

Le chef d'orchestre allemand Kurt Sanderling est mort samedi, la veille de son 99e anniversaire. Né dans l'Empire allemand, il aura connu la République de Weimar, le IIIe Reich, l'exil en URSS à la suite des lois de Nuremberg, en 1936, puis la République démocratique allemande et enfin l'Allemagne réunifiée. Surtout, au long de presque soixante ans de carrière, il a imprimé sa marque sur plusieurs orchestres à l'Est et à l'Ouest, et laissé un souvenir indélébile chez  les mélomanes, par son engagement artistique total, rigoureux, modeste, au service de la partition, pour un résultat souvent captivant de détail et d'impact sonore.

Note : les références discographiques les plus incontournables sont signalées par une étoile . De plus, en raison du nombre de références épuisées ci-après, et des faibles variations de prix, j'ai dû renoncer une fois n'est pas coutume à la présentation des meilleurs prix disponibles...

Sa carrière de chef décolle à la radio de Moscou, puis à Leningrad où il devient l'assistant de Mravinski qui lui accorde une grande confiance et le laisse volontiers diriger concerts et enregistrements. De cette première partie de carrière, on conserve quelques enregistrements bien connus, comme la quatrième symphonie de Tchaïkovski (DG, 2 CD, combinée avec les n° 5 et 6 par Mravinski), ainsi qu'une indispensable Symphonie n° 2 de Rachmaninov (DG) () et la deuxième de Beethoven (DG, couplée avec un concerto pour piano n° 3 par Richter). Il ne faut pas non plus oublier ses talents d'accompagnateur exprimés avec les plus grands solistes russes, comme Sviatoslav Richter au piano (Rachmaninov, concertos 1 et 2) (Melodiya) ; David Oïstrakh au violon (Szymanowski, concerto n° 1) (Forlane) ; et Yakov Zak, au piano et en concert (2e concerto de Brahms, 3e de Prokofiev) (Praga). Enfin, des archives ont été rééditées il y a peu dans le coffret « The Soviet Years » (HDN, 6 CD).


Sa deuxième partie de carrière mène Kurt Sanderling à Berlin-Est où il prend la tête, en 1960, du Berliner Sinfonie-Orchester pour en faire le pendant musical des Philharmoniker à Berlin-Ouest. Il enregistre avec cet orchestre une intégrale des symphonies de Sibelius (Edel/Berlin Classics ou Brilliant) () devenue mythique chez les mélomanes (malgré ses faiblesses réelles, à mon sens), et une formidable anthologie de symphonies de Chostakovitch (n° 1, 5, 6, 8, 10, 15) (Edel/Berlin Classics) (). Il faut ajouter à cela trois perles mahlériennes absolues également chez Edel/Berlin Classics : la neuvième symphonie (2 CD) (), la dixième dans la version Deryck Cooke (), et le Chant de la Terre avec Peter Schreier et Birgit Finnilä. Ces enregistrements existent aussi dans un coffret 16 CD (Edel/Berlin Classics), solution économique mais devenue difficile à trouver. Il faut y ajouter le magnifique coffret d'archives chez Harmonia Mundi (5 CD) (), qui fait la part belle à Chostakovitch (Symphonies n° 5 et 10, Concerto pour violon n° 1 avec Igor Oïstrakh) mais aussi Prokofiev (concertos pour violon n° 1 et 2 avec David Oïstrakh), Stravinski (concerto pour violon avec David Oïstrakh) ou encore Schumann (symphonie n° 4). Ce coffret est malheureusement totalement épuisé.

La même époque le voit diriger la Staatskapelle de Dresde dans une excellente intégrale symphonique de Brahms (3 CD) () excellemment enregistrée par RCA en terre est-allemande. Toujours avec la Staatskapelle de Dresde mais chez Edel/Berlin Classics, Sanderling laisse aussi une Symphonie de Franck, rare incursion du chef dans le répertoire français. Sanderling dirige également le Gewandhaus de Leipzig, autre phalange essentiel d'ex-RDA, dans une des meilleures versions de la 3e symphonie de Bruckner (Edel/Berlin Classics) sur le marché ().

Les années 1980 sont pour Sanderling synonymes de collaboration suivie avec de grands orchestres occidentaux, à commencer par le Philharmonia Orchestra avec lequel il enregistre une intégrale des symphonies de Beethoven (EMI puis Royal Classics, 5 CD) dont la réédition serait bienvenue, et une neuvième de Mahler (Erato/Apex, 2 CD). Il enregistre aussi la Symphonie n° 15 de Chostakovitch (Erato) avec l'orchestre de Cleveland (), hélas épuisée.

Certains concerts de Kurt Sanderling ont été édités et valent le détour. On retiendra en particulier les 3 CD édités par BBC Legends : une 4e de Mahler avec Felicity Lott, Ein Heldenleben de Strauss et l'Inachevée de Schubert avec les BBC Northern, et (encore) une 9e de Mahler. ICA Classics a depuis ajouté à ce catalogue une 3e symphonie de Bruckner avec les BBC Northern. Citons encore deux enregistrements brucknériens, une 4e avec l'Orchestre de la radio bavaroise (Hänssler) en 1994, et la 7e avec l'orchestre de la SWR de Stuttgart (Hänssler) (), un monument enregistré en 1999. Hänssler a aussi édité une 6e de Beethoven couplée avec le Double concerto de Brahms, avec la WDR, Zehetmair et Meneses (2 CD). Enfin, ajoutons-y deux symphonies de Chostakovitch, la 10e enregistrée en 1978 avec l'Orchestre national de France, et une magnifique 15e de Chostakovitch avec les Berliner Philharmoniker en 1999 (BP, couplée avec la 82e de Haydn) (). On peut aussi entendre Sanderling au DVD, en concert avec les Berliner Philharmoniker et Yefim Bronfman : 2e concerto de Saint-Saëns, 4e symphonie de Tchaïkovski (Euroarts).


Dans l'Allemagne réunifiée, Kurt Sanderling enregistre de nouveau l'intégrale de Brahms dans un style beaucoup plus marmoréen que la précédente, avec son Berliner Sinfonie-Orchester (Capriccio/Haenssler, 4 CD). On n'oublie pas non plus les concertos pour piano de Beethoven avec Mitsuko Uchida et le Concertgebouw (Philips, 3 CD), et surtout un excellent Concerto pour piano n° 1 de Brahms avec Hélène Grimaud et la Staatskapelle de Dresde (Erato) ().