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Les enregistrements de Bruckner par Eugen Jochum sont en règle générale bien réédités, et tout le monde connaît et sait en général apprécier l'importance du legs du chef souabe pour le corpus du compositeur autrichien, les deux hommes partageant l'amour de l'orgue et une foi catholique fervente. La première intégrale, enregistrée avec les Berliner philharmoniker et la radio bavaroise, demeure une référence incontournable de toute discothèque mahlérienne. La seconde, pour EMI (désormais Warner, reparution à l'automne)
est plus inégale, mais réserve de beaux sommets grâce à la Staatskapelle de Dresde de la grande époque. Il faut naturellement y ajouter les trois messes (DG) et le Te Deum (DG encore), tout à fait bien réédités également.
Il existe cependant sous la baguette de Jochum des interprétations brucknériennes plus absolues encore, enregistrements discographiques isolés ou captations de concert, publiés séparément. C'est évidemment le cas de la fameuse cinquième avec le Concertgebouw d'Amsterdam (1964, Philips),qui mériterait une réédition en bonne et due forme, même si les plus informés tendent peut-être à lui préférer l'interprétation donnée avec le même orchestre en 1986 (Tahra), également indisponible actuellement. On pourrait aussi parler abondamment de la neuvième berlinoise de 1977 (Palexa) captée juste avant le studio de Dresde.
Mais s'il ne faut réclamer surtout le retour d'une référence, et s'il ne fallait pour ainsi dire retenir qu'un seul disque brucknérien de Jochum, ce serait peut-être (sûrement) cette huitième enregistrée à Hambourg en 1949. Après avoir passé quinze ans à la tête du Staatsoper de Hambourg et de sa phalange orchestrale (le Philharmonisches Staatsorchester), et y avoir traversé la guerre sans jamais adhérer au parti nazi et en jouant les « dégénérés » comme Hindemith et Bartók, et alors qu'il en quitte la direction musicale, Jochum choisit la huitième symphonie de Bruckner pour son tout premier enregistrement sous l'étiquette Deutsche Grammophon avec ses musiciens.
Le résultat est rien moins que stupéfiant, unique, et aucune lecture de Jochum n'égalera vraiment cette première tentative. Noirceur, mystère, atmosphères captivantes... Cette version-là ne trouve pas d'équivalent en profondeur, en spiritualité. D'autres visions sont possibles, depuis la bouillonnante gravité de Furtwängler (Berlin, 1949) à la sauvagerie débridée de Böhm (Tonhalle Zürich, 1978), pour citer les deux seules versions qui paraîtront réellement indispensables après l'écoute de celle-ci. Mais il est de toute façon intolérable qu'un tel morceau de patrimoine musical ne soit pas réédité, et soit indisponible à un prix raisonnable.
La neuvième symphonie couplée à cette interprétation sur la réédition DG Originals est également très recommandable et partage de nombreuses qualités mentionnées pour la huitième. L'orchestre de la radio bavaroise n'offre cependant pas tout à fait la densité ténébreuse des Hambourgeois, et quelque chose de la tension suscitée par la baguette de Jochum se perd déjà, vers les interprétations plus élargies, élégantes, lumineuses, détendues vers lesquelles il évoluera selon une progression constante jusqu'aux années 1980.
Pour entendre cet album, si l'on ne veut pas investir à hauteur des prix affichés sur la Marketplace d'Amazon, on peut se tourner vers Qobuz.com qui n'a pas manqué de l'ajouter à son catalogue de téléchargement. En attendant une véritable réédition par DG (ou par un autre label, puisque cette version est dans le domaine public).
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